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19/11/2014

Comment la Préfecture de Police a trafiqué (et trafique encore) les chiffres de la délinquance !

Nous apprenons ce matin, aux " informations" que la criminalité "a baissé de 4%" !

Ne vous laissez pas berner par des effets d'annonces qui ne servent qu'à masquer la triste réalité de notre dégradation sociale. Dans les faits nous subissons, particulièrement dans le 93, une augmentation des crimes et des délits. Les deux articles ci-dessous démontrent une honteuse falsification des chiffres de la délinquance.

Chantal
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Par Eric Pelletier, publié le 07/03/2014 à 09:22, mis à jour à 09:38

Un rapport montre que la mesure de l'insécurité à Paris est sous-estimée depuis au moins dix ans. De manière industrielle hier. Plus artisanale aujourd'hui. 

prefecture de paris.jpg 

 

Les statistiques de la délinquance et de la criminalité enregistrées par la police demeurent indispensables: il n'existe aucun autre indicateur aussi exhaustif de l'état de l'insécurité en France.

afp.com/Eric Feferberg

"Il y a trois sortes de mensonges: les mensonges, les sacrés mensonges et les statistiques." La révélation par l'AFP et Europe 1 d'un rapport explosif rédigé par l'Inspection générale de l'administration (IGA) et par l'Inspection générale de la police nationale (IGPN) a remis au goût du jour la formule, jamais démentie, de Mark Twain.  

Cette étude porte sur les conditions d'enregistrement des plaintes à la préfecture de police de Paris. Ses quatre rédacteurs ont mis leur nez dans huit arrondissements et six circonscriptions de petite couronne parisienne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne). Soit un bel échantillon de plus de 2000 procédures, surtout des vols et des cambriolages. Deux périodes ont été analysées: juin 2012 (pendant l'ère Sarkozy alors que Michel Gaudin est préfet de police de Paris) et juin 2013 (l'ère Valls, alors que le poste est occupé par Bernard Boucault).  

Le rapport, désormais disponible en ligne, se révèle riche d'enseignements pour qui prend la peine de le parcourir.  

Au préalable, il convient de noter que les statistiques de la délinquance et de la criminalité enregistrées par la police demeurent indispensables: il n'existe aucun autre indicateur aussi exhaustif de l'état de l'insécurité en France. Mais ces données sont trompeuses car tronquées dans une proportion non négligeable. Du coup, elles reflètent la situation, non telle qu'elle est, mais telle que les gouvernements successifs voudraient qu'elle soit. A de nombreuses reprises, L'Express a d'ailleurs montré comment ce bilan statistique pouvait être artificiellement orienté à la baisse.  

"Tapis", "bourrelet"

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur depuis mai 2012, attendait avec impatience les résultats du rapport IGA/IGPN. A son arrivée à la préfecture de police, le préfet Bernard Boucault ne lui avait-il pas confié avoir été estomaqué de constater l'ampleur des tripatouillages statistiques des années précédentes? Les deux inspections étaient priées de dresser un bilan comparatif, censé prouver scientifiquement la fraude industrielle de l'ère Sarkozy. Et montrer que la gauche était plus vertueuse que la droite en la matière. 

Le rapport a effectivement établi comment les services Michel Gaudin, proche de Nicolas Sarkozy, jouaient sur le calendrier pour bloquer l'enregistrement des statistiques. Comme au temps de la planification soviétique, les chiffres étaient arrêtés dès qu'ils atteignaient le seuil fixé à l'avance. Ils étaient alors reportés au mois suivant. L'opération visait à "lisser" les pics trop voyants matérialisant ici une hausse des cambriolages, là une explosion des agressions. Pour autant, ces plaintes ne disparaissaient pas: elles étaient bel et bien comptabilisées le mois suivant. Dans le jargon policier, toujours fleuri, on parlait de méthode du "tapis" ou du "bourrelet". La droite avait donc son compte.  

Mais les rédacteurs du rapport ne se sont pas arrêtés en si bon chemin. Ils ont su faire preuve d'indépendance, ce qui n'avait anticipé ni Manuel Valls, ni Bernard Boucault. Par des exemples de terrain, par des témoignages recueillis, les enquêteurs de l'IGA et de l'IGPN démontrent ainsi que la manip' remonte à loin, au moins au début des années 2000 (sous le règne de Jean-Pierre Chevènement puis de Daniel Vaillant), lorsque la police de proximité, mise en place par la gauche, est devenue un enjeu électoral, sur fond de hausse brutale des crimes et délits enregistrés. Le thermomètre montait? Il suffisait faire artificiellement baisser la fièvre en cassant l'instrument de mesure. "Ce contrôle, écrivent les auteurs, confirme une tendance lourde et ancienne, qui s'est aggravée à partir des années 2000 (...), à déqualifier statistiquement des faits de délinquance en minorant soit leur gravité, soit leur volume."  

L'administration s'était pourtant engagée à mieux faire. Dans un courrier qu'il adressait au préfet de police, le 6 avril 2013, le nouveau patron de la Direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne (DSPAP) écrivait: "Aujourd'hui, conformément à vos instructions, les enregistrements sont réalisés à mois complet et le guide méthodologique et statistique est appliqué strictement."  

Instrumentalisation artisanale

Les promesses n'engagent que ceux qui y croient. Certes, le premier engagement a bien été tenu: les plaintes enregistrées ne sont plus reportées d'un mois sur l'autre dans l'espoir de "lisser" une courbe montante. Un bon point pour Manuel Valls et le préfet Boucault qui ont fait disparaître cette mauvaise pratique. Mais les services de la préfecture de police de Paris continuent à embellir la réalité avec une belle constance. A la manipulation industrielle de l'ère Sarkozy a succédé une instrumentalisation plus artisanale, mais bien réelle. 

Le rapport dénonce en effet des "déqualifications volontaires massives et organisées" qui n'ont jamais cessées. L'expression "déqualification" cache une manoeuvre d'une incroyable simplicité. Il suffit de ne pas référencer la procédure dans la bonne colonne. Ainsi une tentative de cambriolage (porte fracturée, vitre brisée ou serrure endommagée) n'est-elle pas forcément classée dans les cambriolages (en très forte augmentation) mais dans la rubrique "fourre-tout" des dégradations, beaucoup moins visible. Certains fonctionnaires l'avouent, en toute candeur: "Dans un commissariat parisien, le chef du Bureau de coordination opérationnelle (BCO) a indiqué à la mission qu'il indexe en dégradations toutes les tentatives de cambriolage avérées par des traces et des indices (traces de pesées, bris de vitre, témoignages de la victime ou de voisins, etc.) et que ce système fonctionne ainsi depuis plus de dix ans. Il indique savoir que cela n'est pas conforme au guide de méthodologie, mais "qu'il le fait pour ne pas faire exploser les chiffres".  

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Entre 15 et 20 000 faits se seraient ainsi volatilisés en 2011 et 2012 à Paris et en petite couronne.

timsamoff/Flickr

Le rapport fourmille d'exemples dignes d'une nouvelle de Courteline. En voici deux:  

- Un cambriolage commis le 21 juin 2013 à Paris au préjudice d'une société de production cinématographique avec ouverture d'un coffre-fort contenant 13 000 euros en espèces, indexé en simples dégradations.  

- Une tentative de cambriolage commise le 12 mars 2013 à Nanterre dans des locaux administratifs, avec "visite" de toutes les pièces, indexé en dégradations.  

 

Le code "Q"

Et tout ceci sans compter le fameux code "Q". Une touche informatique digne des meilleurs tours d'Harry Potter: elle permet de faire glisser tout acte de délinquance dans une rubrique poubelle non comptabilisée dans les statistiques. La palme revient à ce vol dans une voiture de police, commis le 24 juin 2013 au Kremlin-Bicêtre. Ont été dérobés le pare-soleil "Police", trois sacs personnels et des documents. Le tout a été indexé... en code Q! D'un point de vue statistique, ce casse d'une voiture de police n'a donc jamais existé...  

La même manipulation est parfois opérée pour les vols avec violence de téléphone portable, du moins lorsque la victime n'est pas trop amochée. "Ainsi, rapportent les auteurs, dans un commissariat parisien, il a été indiqué que le "curseur" des vols avec violence a évolué depuis le mois de juillet 2013. Auparavant, tous les vols à l'arraché de téléphones portables étaient correctement indexés (...). A la suite d'une augmentation de 400% de ces faits, il aurait été demandé par la DSPAP de ne plus faire apparaître, lors du dépôt de plainte, que le portable avait été enlevé des mains, afin de permettre de retenir une indexation en vol à la tire."  

Au total, 17% des faits auraient été "déqualifiés" en juin 2013, contre 15% en juin 2012. 

L'opération la plus radicale, mais aussi la plus risquée en cas de contrôle, reste bien sûr de faire disparaître purement et simplement une affaire. Autrement dit de la "destater" selon le jargon maison, en affectant le coefficient "0" à la procédure. Entre 15 et 20 000 faits se seraient ainsi volatilisés en 2011 et 2012 à Paris et en petite couronne. Mais cette pratique serait aujourd'hui en nette diminution.  

Les logiciels permettant d'enregistrer automatiquement chaque fait dès l'ouverture de la procédure, sans passer par un opérateur manuel, devraient réduire l'ampleur des fraudes. Celui de la police est censé entrer en application en janvier 2015. Il faudra alors s'attendre à une brutale hausse statistique de la délinquance. Et, pour la première fois, accepter de voir la réalité en face


En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/comment-la-prefecture-de-police-a-trafique-et-trafique-les-chiffres-de-la-delinquance_1498081.html#QjY0L3OQlZmcsm64.99

 

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